Action pour l'Engagement - Engagement pour l'action

L'engagement sociétal que préconise le bouddhisme engagé implique de clarifier l'attitude philosophique, mentale et active de ceux qui s'en prévalent ou du moins qui tentent de s'en inspirer. Sans prétendre posséder la solution, ni la science infuse, il me semble intéressant de comparer la postion du Vénérable THICH NHAT HANH et celle du non-moins vénérable DOGEN, sans pour autant prétendre à une quelconque exhaustivité.

TNH - Méditer signifie prendre conscience des choses dans leur profondeur et reconnaître comment nous pouvons changer et transformer notre situation. Transformer notre situation signifie aussi transformer notre conscience. Transformer notre conscience signifie aussi transformer notre situation, parce que la situation est conscience et la conscience est situation. L’importance est dans l’éveil. La nature des bombes, la nature des injustices, la nature des armes et la nature de notre propre être sont les mêmes. Telle est la véritable signification du "bouddhisme engagé."

D - Apprendre la Voie de l'éveillé, c'est s'apprendre soi-même. S'apprendre soi-même, c'est s'oublier soi-même. S'oublier soi-même, c'est se laisser attester par les dix mille existants. Se laisser attester par les dix mille existants, c'est se laisser dépouiller de son corps et de son  coeur ainsi que du corps et du coeur de l'autre. (Genjô kôan)

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Chercher l'Eveillé hors du temps présent,
c'est s'obstiner à suivre le temps qui fuit.

"Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer." - Guillaume  d'Orange

Point n'est besoin de croire pour être spirituel !
Point n'est besoin de convictions pour agir !

Mais sur un forum, il est utile d'avoir des arguments car c'est un lieu d'échanges, de propositions, de controverses, de contradictions et d'action.

Dans cette optique, le point de départ de l'argumentaire sera la constatation empirique de la souffrance (dukkha) universelle personnifiée ici même par les conditions de production des richesses et leur répartition qui n’en sont cependant que des modalités particulières avec leurs avatars politiques, psychologiques et sociétal qu’il s’agit d’expliciter.

La traduction du terme « dukkha » comme souffrance est inexacte car de portée restreinte par rapport à sa signification sanskrite qui implique un sens métaphysique et existentiel dont le français ne rend pas compte. Cette « existentialité » s’appuie sur la personnalisation des sensations, des sentiments, des volontés, des affects que l’Homme réduit au « moi » ou à «l’égo » qui perdure tout au long de sa vie, à tel point que DESCARTES, à travers son Cogito, l’exaltera comme point central de sa philosophie.

C’est également le constat qu’en fera le Bouddha au cours et à la suite de son Eveil et son enseignement en sera démonstration comme l’explicite l’ensemble de la prédication bouddhique au travers des quatre nobles vérités et de la pratique zazen entre autre.

C’est ainsi que l’histoire des civilisations et des hommes opposera pendant des millénaires des conceptions historiques différentes mais cependant toutes basées sur la personnification d’une fonction valorisant l’individu qu’il soit grand ancêtre totemisé, pharaon, prêtre-roi, chef de guerre, empereur, philosophe-roi supposé réaliser l’harmonie entre les différentes fonctions définies par Georges DUMEZIL d’une part et, d'autre part, entre les hommes et les dieux.

Aujourd’hui encore et malgré, ou à cause, de la marchandisation du monde et des richesses crées, aucune modification tangible de ce modèle-type n’a eu lieu que ce soit au niveau des responsabilités politiques ou des responsabilités économiques. A contrario la possession de la technique permet à une multitude d’individus d’avoir l’impression d’être le centre d’un monde à portée d’un clic ou d’un portable et corrélativement d’ignorer la collectivité à laquelle ils appartiennent, renforçant ainsi leur isolement à contrario de la fonction communicationnelle pourtant assignée à ladite technique.

Parallèlement l’organisation sociale s'affine, se complexifie, multiplie les structures de décision tout en valorisant la différenciation individuelle reposant, sans le dire, sur le mépris des autres et en dernière analyse, leur propre négation en tant qu'individu producteur pour ne retenir que leur capacité consommatrice. La conséquence paradoxale de cette complexification devient suicidaire dans la mesure où elle consiste, au nom de la compétitivité et de la lutte acharnée qu'elle génère, à produire toujours plus de biens consommables avec de moins en moins d'humains producteurs susceptibles de les acheter, d'où les systèmes compensatoires ( chômage, formation, stage ...) dont nous sommes convenus qu'ils sont dépassés, ne serait-ce que par leur durée de validité.

Il est donc vital de modifier les paradigmes sur lesquels se construit l'économie mondiale et notamment la notion de propriété des biens produits par le Capital investi et le Travail transformateur en se souvenant, d'entrée, que le bouddhisme,  toutes obédiences confondues, rejettent l'accumulation, l'appropriation, la domination comme tendances néfastes à l'Eveil. Il apparait désormais que ces "qualités" le sont également pour l'économie mondiale.

Dans un article précédent - Rubrique Economie - article du 1/11/2013 à 19h44 -j'ai proposé la "dépersonnalisation" des moyens productifs et des artéfacts produits afin de distendre le lien existant entre leur matérialité et l'investissement humain nécessaire à leur production, laquelle ne serait plus considérée comme la propriété d'une personne ou d'un groupe mais, au contraire, la concrétisation d'un effort collectif. En effet, outre le fait que le Capital est du travail accumulé et que sans lui aucun projet ni aucune activité économique ne pourrait perdurer, il convient néanmoins d'admettre que le travail le valorise et même l'augmente délimitant leur inter-relation et leur interdépendance égale.

Il est donc cohérent de convenir, l'état de richesse de la planète n'ayant jamais atteint par le passé un tel niveau, que le partage des ressources créées ne peut cesser à la fin d'un contrat de travail quelqu'en soit la raison. La méditation, par la prise de conscience de la profondeur des choses et de la génèse des évènements permet de transformer les situations sans pour autant qu'il soit nécessaire d'espérer pour entreprendre ni d'être convaincu pour agir.

S'apprendre soi-même et s'oublier soi-même est largement suffisant. Si tel ou tel n'est pas convaincu, il lui suffira d'imaginer combien l'octroi d'un revenu de base inconditionnel à la totalité des êtres humains sera salutaire à l'éradication de la souffrance en dotant, en outre, ses bénéficiaires d'un surcroit de dignité par la reconnaissance de leur contribution au devenir de l'humanité.

La propriété privée des lieux de production n'est pas un dogme absolu. Il est grand temps d'en sortir.

Il est tout à fait évident que l'appropriation privée des efforts collectifs réalisés par l'ensemble de la communauté économique est la pierre angulaire sur laquelle viennent achopper les propositions et solutions, quelqu'elles soient, supposés porter remèdes aux dégâts de la financiarisation de l'économie mondiale.

Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir des années 2008 ... et de la nécessaire intervention des Etats Nationaux et des banques centrales pour sauver des banques privées, en contradiction avec le dogme libéral selon lequel l'Etat n'intervient pas dans la gestion des entreprises.

Bien qu'aucune autorité n'ait voulu le reconnaître, ces épisodes interventionnistes sonnent le glas de l'économie marchande privée car "charbonnier maître chez lui" s'est montré incapable de se sauver sans le secours de l'Etat réputé, en l'occurence, représenter l'ensemble des citoyens.

Ils démontrent surtout que le gigantisme de l'économie mondiale ne peut plus être confié uniquement à des personnes privées et que les décisions prises par quelques-uns sans contrôle ni concertation doivent être substituées par un paradigme intégrant l'ensemble des acteurs concourant à une production donnée. Ce paradigme doit reposé, non pas sur la propriété individuelle, mais sur l'utilité sociale et la production sociale estimée par ses acteurs à un moment  T de la Société civile considérée, tant pour la définition des salaires que des dividendes versés.

Il va de soi que la résistance sera rude se référant aux expériences malheureuses du 20ème siècle pour échapper à la dépossession d'un droit que les dirigeants continuent à présenter comme absolu (à l'instar de la Cour de Cassation qui prône toujours que : l'Employeur est seul juge) alors que nombre d'expériences démontrent que l'Economie n'a nul besoin que le Chef d'entreprise soit nécessairement l'apporteur de capitaux.